Force est de constater qu’il est de plus en plus question du retour sur investissement (ROI). Afin de limiter les coûts et de justifier les dépenses, il devient nécessaire, pour quelque frais que ce soit, de prouver que le retour sur investissement en vaut la chandelle. Problème : Qu’en est-il en relations publiques où le point clé est la réputation, une variable très difficilement mesurable et dont la valeur varie en fonction d’innombrables facteurs? Tentative de décryptage.

 

La mesure de la réputation

Tout le monde convient que la réputation des entreprises joue un rôle majeur dans la décision d’achat des consommateurs. On peut bien sur trouver des contre-exemples mais généralement une compagnie dont l’image est mauvaise risque de voir ses ventes diminuer. Évaluer la réputation est un casse-tête car chaque individu se forge une opinion qui lui est propre sur à peu près tout.

Les sondages, la panacée?

Cependant, les entreprises n’ont pas le choix et le meilleur moyen actuellement à leur disposition est le sondage. Celui-ci, en plus d’être très cher, comporte d’importantes limites, on le voit notamment en politique quand les sondages n’arrivent pas à prévoir la victoire d’un candidat pourtant donné favori. Ou que le même jour deux études concurrentes concluent à la fois que le chef d’un parti est en perte de vitesse tandis que l’autre le trouve en pleine forme.

Autre problème : il est très difficile d’expliquer les résultats d’un sondage. On emploie alors d’autres méthodes, en principe plus pointues, les études qualitatives. La plus connue est sans doute le groupe focus. Mais là encore il est difficile de pouvoir extrapoler les résultats de ces études à l’ensemble de la population tant l’échantillon est réduit.

Analyse de presse et ROI : le mariage impossible

Autre méthode pour tenter de comprendre comment se forge l’opinion publique : L’analyse de presse. Dans ce cas, il existe une infinité de méthodes, des plus basiques, qui consistent à lire les journaux et à faire une synthèse (elles sont légion), aux plus complexes, qui proposent de décortiquer en unités de sens le contenu des nouvelles (extrêmement rare). Non seulement la plupart des entreprises qui offrent de tels services sont très chères mais elles emploient des méthodes extrêmement sommaires, qui souvent ne permettent même pas de mesurer la teneur du discours émis.

Mais ce problème de méthodologie ne s’arrête pas là. Les organisations étant obnubilées par le ROI, elles veulent avant tout s’assurer que leurs dépenses en communication et en relations publiques sont le plus rentables possibles et comptent utiliser l’analyse de presse à cette fin, puisqu’au final il s’agit du seul outil permettant de mesurer l’efficacité du service de communication. L’idée est simple : Le service de communication a un budget qui doit lui permettre de faire parler le plus possible de l’organisation. On s’attend donc à ce qu’il y ait une croissance constante des mentions de l’organisme dans l’espace public. Si un tache est externalisée, comme la réalisation d’un plan de communication, on s’attend à ce que les retombées soient supérieures à la fois au montant investi… mais aussi à une banale campagne publicitaire.

Bref, le service de communication et/ou l’agence qui a eu le contrat, doivent trouver le moyen de prouver qu’ils ont été on ne peut plus rentable. Comment font-ils alors? Ils cherchent des solutions qui leur permettront de prouver que leur action est plus rentable que le marketing et utilisent des méthodes qui comparent le coût d’une campagne publicitaires à celui d’une campagne de relations publiques.

Problème : Réaliser ce genre d’étude est on ne peut plus complexe. Car une infinité de variables entrent en jeu. Il ne suffit pas de compter le nombre de mentions de l’organisme ou de son PDG, il faut aussi s’assurer de l’impact des sources qui ont relayé l’information. Il faut donc tenir compte de la portée du média. Mais cela ne s’arrête pas là : De nombreux professionnels estiment impératif de tenir compte de la « réputation » de la personne qui relaye l’information. On entre ici dans le subjectif pas à peu près! Car la seule méthode connue à l’heure actuelle pour évaluer la réputation d’un journaliste ou d’un blogueur est le « pifomètre » du président de l’agence, qui va décréter que tel journaliste mérite un indice de réputation de X points. Du grand art.

Puis il faut évaluer le contenu, même si certains réussissent parfaitement à s’en passer, ce qui relève de l’exploit. Pourtant, Grunig, le père des relations publiques, affirme que l’évaluation est centrale dans toute tentative de mesure en relations publiques, celles-ci ne pouvant selon-lui n’être évaluées que par l’analyse de presse (cf. la conférence de Grunig donnée à l’UQAM cette année).

Malheureusement, la plupart des méthodes couramment utilisées réalisent des approches « globales », qui consistent à évaluer globalement un article. Tant pis si certaines parties sont négatives, d’autres positives, et qu’au final il est presque impossible de déterminer la tendance de la nouvelle à vue de nez. On ne s’arrête pas pour si peu.

Enfin, il reste à convertir l’article en équivalent publicitaire. C’est encore la joie. Que se passe-t-il si l’article ne fait qu’une très courte mention de l’organisation même s’il prend un tiers de page? Généralement, on lui accorde la valeur d’une publicité de taille équivalente! Mais surtout, tout le monde est conscient qu’un article a plus de « crédibilité » qu’une publicité. Mais quel est le rapport exact? Un article est-il jugé deux fois plus crédible par le lecteur qu’une publicité? Trois fois, dix fois? Impossible à dire. Pourtant, plusieurs s’essaient! Là encore, c’est du grand art.

Le ROI en relations publiques, une illusion?

Au final, en compilant toutes les données, on arrive à déterminer le ROI d’une campagne de communication, mais à quel prix! Quand on voit tous les problèmes non résolus utilisés par de telles méthodes, on s’interroge quant à la véracité des résultats. D’autant qu’hormis nous apprendre qu’une campagne de communication a été plus rentable qu’un équivalent publicitaire, on n’en sait pas plus sur la fabrication de l’opinion publique.

Viser donc le ROI comme objectif ultime en relations publiques est une illusion. Le meilleur moyen de maximiser son ROI est d’utiliser les méthodes les moins chères et les plus pointues qui existent sur le marché. Celles-ci, sans traduire les chiffres en dollars ou en euros, vous indiqueront avec précision de quel traitement fait l’objet votre organisation et comment ressortent vos porte-parole et votre PDG et quelle est l’image globale véhiculée à votre égard par les médias.

Image des candidats

Encore mieux : Si la méthode employée est suffisamment précise et produit des graphiques et des tableaux croisés comme nous le faisons, vous aurez alors en main tous les atouts pour améliorer votre performance, votre image, et donc vos ventes.

Mais encore faut-il avoir cette volonté. Car les gros joueurs proposent généralement des outils onéreux et peu précis. Ce qui ne les empêche pas de remporter la plupart des contrats et des appels d’offres car les organisations, sous couvert de faire des économies (encore) regroupent les appels d’offres en communication en y mélangeant pèle-mêle les services de relations de presse, le monitoring et l’analyse de presse. Du coup, ils excluent automatiquement les petites agences qui ne proposent pas d’offres intégrées. Et les gros joueurs peuvent alors imposer leurs conditions et réaliser des marges très confortables sur le dos des citoyens. Décidément!

Christian Leray

Christian Leray est le président de Prisme Média, une société spécialisée en analyse de presse. Il profite d'une expérience d'une dizaine d'années dans le domaine de l'analyse du contenu des médias. Il a notamment dirigé le Laboratoire d'analyse de presse Caisse Chartier de l'UQAM et a publié en 2008 un ouvrage aux Presses de l'université du Québec: L'analyse de contenu, de la théorie à la pratique.