Il n’est plus question que de ça. Oui, mais « ça » quoi? Les révolutions dans le monde Arabe? Kadafi? Les scandales dans l’industrie de la construction ou à la Ville de Montréal? La démission de la ministre des affaires étrangères de la France? L’ « excès de zèle » des membres du Parti conservateur qui « ont forcé les médias à quitter un événement où le chef libéral Michael Ignatieff devait effectuer un discours »? Ce qui renforce une fois de plus cette désagréable sensation que ces gens sont tout sauf des partisans de la démocratie?

Non, vous n’y êtes pas. Mais si vous écoutez régulièrement les médias, vous devez avoir une petite idée : la « mise en échec » très sévère de Chara (un joueur des Bruins de Boston) à l’endroit de Pacioeritty (un joueur du Canadien de Montréal). On ne parle plus que de cela. Je vous le dis tout de suite, je trouve cette attention médiatique totalement démesurée. Même Christiane Charette en parle sur la Première Chaîne de Radio-Canada. Ca frise le délire!

Ne se passe-t-il donc rien dans le monde, au Canada, au Québec? N’y-a-t-il actuellement aucun enjeu particulier qui autorise à traiter de façon démesurée d’un fait de jeu lors d’une partie de hockey? Car c’est bien d’un fait de jeu dont on parle, aussi sale et tragique qu’il ait pu finir : lors d’une partie de hockey, un joueur a mis en échec très sévèrement un autre joueur qui n’avait plus la rondelle. Peut-être y avait-il de la vengeance (les relations entre les deux joueurs étaient assez tendues) et volonté de faire (très) mal. Cependant, ce genre de situation arrive régulièrement. Comme le notent tous les journalistes, le nombre de commotions cérébrales est en augmentation et cet accident n’est pas unique en son genre. Au contraire, il est d’une terrible banalité, comme a pu le montrer la LNH en ne sanctionnant pas le joueur fautif.

Mais voilà, cette fois l’incident se produit dans la ville où le hockey est le sport roi. Face sans doute à l’équipe contre laquelle il y a le plus d’enjeu et une vielle rivalité. Des milliers de gens l’ont vu en direct. Sous tous les angles au ralenti. Il s’agissait d’un jeune joueur qui marchait très fort. Il y a donc beaucoup d’émotion parmi les supporters. Mais les médias doivent-ils à ce point ne plus parler que de cela?

Certes, il apparaît très important de renforcer la sécurité des arénas et d’édicter des règles qui interdisent ce genre de comportement avec des sanctions lourdes en cas de faute. Mais la réponse est clairement non. En fait, j’ai hâte de consulter le bruit médiatique de la semaine publié par Influence Communication. Il est probable que ce soit la nouvelle la plus traitée et nous ne pourrons alors qu’avoir honte. Honte de nos médias malades, mais aussi honte de nous-même car il ne faut pas se faire d’idées : les médias sont comme les restaurants, ils ne nous donnent à manger que ce que nous aimons et plus on en redemande, plus ils nous en redonneront.


Christian Leray

Christian Leray est le président de Prisme Média, une société spécialisée en analyse de presse. Il profite d'une expérience d'une dizaine d'années dans le domaine de l'analyse du contenu des médias. Il a notamment dirigé le Laboratoire d'analyse de presse Caisse Chartier de l'UQAM et a publié en 2008 un ouvrage aux Presses de l'université du Québec: L'analyse de contenu, de la théorie à la pratique.