Cette célèbre expression de l’auteur et comédien méconnu Philippe Néricault, illustre à merveille l’un des défis auxquels je fais face sur ce blog. Mon ambition ici est bien sur d’analyser toutes les tendances et nouveautés en analyse de presse. Mais je compte bien également adopter une attitude critique des médias, voire plus. C’est qu’analyser le discours des journaux sur différents sujets vous conduit fatalement à adopter un angle de vue original, même si nous restons bien évidemment le plus impartial possible lors de nos analyses : les journalistes réussissent bien à être « objectifs », pourquoi pas les analystes de presse également?
C’est que journaliste ou analyse de presse, le problème reste le même: comment dire les choses sachant que vous allez heurter la sensibilité de personnes ou organismes influents. Pour les journalistes, le risque est de plomber leurs relations avec leurs connaissances. Par exemple, sera-t-on tenté de révéler la face cachée du parti libéral si l’on est devenu quasiment ami avec Jean Charest ou certains membres influents de ce parti? Que l’on est invité aux conférences de presse et aux évènements organisés par celui-ci? Osera-t-on critiquer une société qui apporte d’importantes retombées publicitaires au journal, surtout en ces temps difficiles? Pire, est-on prèts à accepter les conséquences de la publication d’articles critiquant les intérêts des propriétaires du journal et de leurs amis? Il s’avère donc que les journalistes se retrouvent dans une position extrêmement complexe.
Je ne pousserai pas sur ce sujet aujourd’hui (je le garde en réserve pour plus tard!). Je voulais simplement faire le lien avec ma situation actuelle. Je préside une entreprise qui fait affaire avec des ministères, des sociétés d’État, des grandes entreprises. Je compte bien sur analyser le traitement journalistique dont ils font l’objet. Mais j’aurai du mal à ne pas donner mon opinion sur le fond de l’affaire. Et voilà que je me retrouve dans la position des journalistes: si je livre le fond de ma pensée, ce sont de possibles contrats qui s’envolent…
Je me contenterai donc pour l’essentiel d’analyser le discours de presse. Et je l’avoue, je diluerai mon opinion personnelle pour ne pas choquer d’éventuels clients. Mais au moins c’est dit et les choses sont claires. Le jour où les médias en feront autant, vous me lâcherez un coup de fil. D’ici là…

Christian Leray

Christian Leray est le président de Prisme Média, une société spécialisée en analyse de presse. Il profite d'une expérience d'une dizaine d'années dans le domaine de l'analyse du contenu des médias. Il a notamment dirigé le Laboratoire d'analyse de presse Caisse Chartier de l'UQAM et a publié en 2008 un ouvrage aux Presses de l'université du Québec: L'analyse de contenu, de la théorie à la pratique.