Le quartier du port de Baltimore, une réussite!Avec l’arrivée des beaux jours, et surtout la publication du rapport du Comité performance de l’industrie touristique, il est de plus en plus question du potentiel touristique du Québec dans les médias. Ceux-ci notent une hausse du nombre de touristes cette année… qui fait suite à une décennie de baisse. Comment expliquer ce désintérêt pour la Belle province et Montréal? La hausse du dollar canadien explique-t-elle tout? Ou le problème est-il ailleurs? En fait, étant tout juste de retour des États-Unis, une explication me saute aux yeux : les villes américaines ont réagi durant les années 2000 tandis que Montréal s’endormait.

Le manque d’attractivité du Québec et de Montréal : les raisons

La question est aujourd’hui sur toutes les lèvres : pourquoi les touristes américains délaissent-ils la métropole? Vu d’ici, la question du taux de change semble la réponse la plus logique. Et il est vrai que la hausse du dollar canadien a pu jouer. Le fait aussi de devoir présenter désormais son passeport pour passer la frontière, alors que de nombreux américains n’en ont pas, pèse également dans la balance.

Pour le Comité performance de l’industrie touristiqueles raisons sont ailleurs : l’offre hôtelière est insuffisante tandis que les régions doivent se regrouper sous la bannière du Québec plutôt que de se faire concurrence. Les taxes représentent également un frein, tout comme l’accessibilité à la ville depuis l’aéroport.

Bonne nouvelle dans ces deux derniers cas : la TVH arrive, ce qui simplifiera les factures, tandis qu’Aéroports de Montréal travaille à la création d’une navette. Il est à espérer que le regroupement des régions en un guichet unique de promotion se fera rapidement. Quant à l’offre hôtelière, il reste à voir ce qui peut être fait de ce côté.

Cependant, une fois ce portrait dressé, tout a-t-il été dit?

 

Des concurrents qui réagissent

Comme je disais plus haut, je reviens tout juste des États-Unis. Je suis notamment resté quelques jours à Baltimore. J’en garde une très bonne impression. Et quand on voit ce que j’y ai vu, je me dis que Montréal a du soucis à se faire…

Baltimore est une petite ville si on la compare à Montréal : 640 000 habitants comparativement à 1,7 millions. Elle est de la taille de Québec (508 000 habitants). Cependant, il est vrai qu’elle est au coeur d’une zone urbaine très densément peuplée. Avec Washington DC, on y dénombre plus de 8 millions d’habitants. Mais le plus important n’est pas là : ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y a à peine 10 ans le quartier du port, qui fait aujourd’hui l’orgueil de la ville, était une véritable plaie. Les lieux étaient laids et surtout dangereux. La municipalité a alors beaucoup investi pour réhabiliter la place… et c’est un véritable succès.

Aujourd’hui le quartier du port est la vitrine de la ville. On y trouve de nombreux musées (le musée d’Histoire naturelle par exemple avec son cinéma Imax), un aquarium magnifique, des bateaux à visiter comme le fameux trois mats USS Contellation ou un sous-marin. Les quais sont au niveau de l’eau et l’on peut se promener le long de la berge. Il y a beaucoup d’animations dans le port comme des concerts en plein air ou des « bateaux de pirate » qui font des démonstrations. Des « taxis-bus » permettent de se rendre d’un bout à l’autre du port, ce qui ajoute à l’animation. De nombreux restaurants avec vue direct sur le port et la mer permettent de se restaurer en tout temps, au plus grand bonheur des touristes. L’office du tourisme est idéalement placé et on ne peut le manquer. Il y a aussi des galeries marchandes qui procurent aux touristes tout ce dont ils ont besoin.

Le quartier du port de Baltimore, une réussite!

Le quartier du port de Baltimore, une réussite!

 

Et pendant ce temps là, Montréal se reposait sur ses lauriers

Juste à côté se trouve le centre historique, cerclé comme à Montréal de buildings récents, ce qui lui donne du charme. La ville propose aux touristes pour se déplacer facilement des services de navettes. Celles-ci sont gratuites! Les transports en commun sont plutôt de bonne qualité puisque se trouvent à quelques pas stations de tramway et de métro! Doit-on ajouter à cela que le stade des Orioles, l’équipe de Baseball de la ville, se trouve à deux pas du port? D’ailleurs, j’ai bien failli aller voir un match tant il régnait un bon esprit, moi qui n’aime pas le baseball…

Autre grand avantage de Baltimore : l’accessibilité. J’étais en famille et nous devions pousser la poussette. Partout étaient prévues des rampes pour les familles ou les personnes à mobilité réduite. J’ai notamment été impressionné par le Musée du train de la ville. De ce point de vue, le retour à Montréal fait mal… A propos de Musée du train, il faut avouer que celui de Baltimore est bien placé, proche du port, accessible directement avec des navettes gratuites. Montréal a un musée similaire sans doute plus imposant… mais il se trouve à Saint-Constant, sur la Rive-sud. Il faut saluer la stratégie de Baltimore qui consiste à regrouper toutes les activités récréo-touristiques en un seul endroit : le port. Cela permet d’offrir aux touristes une diversité d’activités.

Évidemment, tout n’est pas rose, et l’on sent d’importantes tensions sociales, surtout entre noirs et blancs. Mais le succès de la réhabilitation du quartier est indéniable. Pendant ce temps là, Montréal dort. Alors que plusieurs villes comme Baltimore investissent pour attirer les touristes, Montréal est dans une sorte de torpeur, engluée dans ses travaux incessants et coincée au milieu de son fleuve alors que ses ponts s’effondrent. Les rues qui font la réputation de la ville, la « main » (le boulevard Saint-Laurent) et la rue Sainte-Catherine, font pale figure. Celles-ci sont des successions de petits blocs en mauvais état et de terrains vagues. Retournez à Baltimore, promenez-vous sur Charles et Saint-Paul, vous m’en donnerez des nouvelles!

Il faut aussi voir l’image qu’ont les touristes américains lorsqu’ils se rendent à Montréal : dès que l’on franchit la frontière, le premier pont québécois est une véritable ruine! Alors que les ponts aux États-Unis sont impeccables. Et je ne parle pas des infrastructures suivantes, avec pour point d’orgue le triste Pont Champlain! Le résultat est évident : la métropole essuie un véritable désintérêt, les touristes préférant des villes plus dynamiques qui ont réussi leur métamorphose.

 

Montréal : une ville qui a des atouts

Montréal a pourtant de nombreux atouts : c’est une grande ville qui propose de nombreux festivals et a un quartier historique unique en Amérique du nord : le Vieux port. Mais celui-ci fait désormais pale figure. Les restaurants sont sur la rue Notre-Dame et ne proposent aucune vue, ni sur la ville, ni sur le fleuve. Aux États-Unis, beaucoup de restaurants et de cafés sont tournés vers les éléments qui attirent les touristes. Mais au Québec il n’y a quasiment aucun restaurant de tourné vers les paysages, c’est assez étonnant. Je me suis promené il y a deux ans en Gaspésie. Je ne crois pas avoir trouvé un seul restaurant avec vue sur la mer, Percé excepté! A Sainte-Anne des Monts, un restaurant spécialisé en fruits de mur, face à la mer, avait ses fenêtres tournées… vers la route! Pendant ce temps, à Saint-Michael, dans la Baie de Cheseapeake, plusieurs restaurants vous proposent de déguster des fruits de mer… quasiment les pieds dans l’eau! Si vous étiez touriste, quel coin choisiriez-vous?

Saint-Michael, Maryland, USA

Des touristes mangent des fruits de mer les pieds dans l'eau à Saint-Michael, Baie de Chesapeake

Pour revenir à Montréal, il apparaît qu’il faudrait investir massivement dans le Vieux-port pour lui donner une seconde jeunesse.

Rabaisser les promenades au niveau de l’eau en détruisant le béton actuel en construisant les nouveaux quais avec de belles pierres, proposer des animations sur l’eau ou juste à coté, et plus que les petites barques près de la Tour de l’Horloge. Pourquoi pas des navettes fluviales à moindre prix qui permettraient de se rendre à l’Île Sainte-Hélène? Le Parc Jean-Drapeau serait mis davantage en valeur, ainsi que le Musée Stewart. Il y a des restaurants sur le vieux-port, mais ils ne sont pas tournés vers l’eau… Il faudrait refaire totalement le bord de l’eau, tourner les restaurants vers les vues digne d’intérêt, ajouter des galeries commerciales, déplacer certains musées, afin d’offrir une offre touristique moins éparpillée à droite ou à gauche. Certains festivals pourraient se dérouler sur le Vieux-port, cela ajouterait beaucoup à l’ambiance.

Une autre zone à améliorer : le parc olympique. Avec le Vieux-port, il s’agit de la deuxième zone touristique d’intérêt. Le Biodôme a de l’intérêt, le Jardin botanique est magnifique. Mais là encore, la ville pourrait mieux faire. Les dirigeants devraient se rendre à l’étranger pour voir ce que propose la concurrence. En fait, Baltimore montre qu’il est bon de concentrer en quelques points uniques toute son offre touristique. C’est certainement une excellente stratégie.

 

Un discours de presse surprenant

Bref, il y a beaucoup à faire et encore beaucoup à dire. Avant de parler de l’offre hôtelière et des problèmes de communication des différentes régions, il faut que les villes et le gouvernement fassent leurs devoirs. Dans ce contexte, il est surprenant que les médias rapportent tel quel le contenu du rapport. Montréal et le Québec se sont accordés une belle sieste mais le réveil est brutal. J’encourage vivement nos dirigeants à se rendre dans des villes comme Baltimore et à revenir avec des idées. Car il y a beaucoup à s’inspirer.

Montréal a un potentiel unique, il est clairement sous-exploité. Il n’est pas trop tard pour redresser la barre. Nos dirigeants en seront-ils capables?


Christian Leray

Christian Leray est le président de Prisme Média, une société spécialisée en analyse de presse. Il profite d'une expérience d'une dizaine d'années dans le domaine de l'analyse du contenu des médias. Il a notamment dirigé le Laboratoire d'analyse de presse Caisse Chartier de l'UQAM et a publié en 2008 un ouvrage aux Presses de l'université du Québec: L'analyse de contenu, de la théorie à la pratique.