On n’est pas seulement passionnés par les médias et l’analyse de presse chez Prisme Média. On s’intéresse également beaucoup à la politique. Après avoir suivi de près les dernières élections fédérales canadiennes, voici un premier petit coup de projecteur sur les prochaines élections présidentielles françaises. Alors que Sarkozy remonte dans les sondages, l’enjeu de la campagne a trait à François Hollande : Le candidat socialiste sera-t-il capable de ne pas paraître comme un « candidat dépensier »? Rien que d’évoquer ce fait n’est-il pas déjà une victoire pour Nicolas Sarkozy? Et qu’en est-il de François Bayrou, le fameux troisième homme de la dernière élection?
Élection présidentielle : Toujours des surprises!
La campagne présidentielle française a débuté il y a bien longtemps mais elle a accéléré dernièrement avec la victoire de François Hollande aux primaires du Parti Socialiste (PS). L’ancien président du PS est donc maintenant seul face à Nicolas Sarkozy, même si celui-ci n’est pas encore officiellement candidat. Si les sondages donnent gagnant l’ancien compagnon de Ségolène Royal (la candidate du PS défaite par Nicolas Sarkozy en 2007) et que Nicolas Sarkozy semble au plus bas dans les sondages, il est essentiel de se préserver de toute conclusion hâtive. Qui ne se souvient pas de la victoire surprise de Jacques Chirac en 1995 alors qu’à la même époque il était au plus bas dans les sondages?
Pire, un « troisième homme » peut venir semer le trouble. Rappelons qu’en France, contrairement au Canada, les élections sont à deux tour. A la présidentielle, les deux candidats arrivés en tête se retrouvent seul pour une sorte de duel final. En principe, les candidats des deux principaux partis (le PS et l’UMP) arrivent en tête et se disputent la victoire. Mais il peut arriver qu’un troisième homme déjoue les pronostics. C’est ce qui est arrivé en 2002, lorsque Jean-Marie Lepen, le président du Front National (l’extrême droite française) a devancé au premier tour Lionel Jospin, le candidat du PS.
François Bayrou : Et bis repetita?
Nicolas Sarkozy étant bas dans les sondages et la gauche toujours divisée, la possibilité que 2002 se reproduise n’est pas totalement exclue. D’autant que le « troisième homme » de 2007, François Bayrou, président du MODEM, parti centriste, est de retour. Celui-ci, surfant sur la peur que Nicolas Sarkozy inspirait aux français alliée au sentiment d’incompétence que laissait traîner derrière elle Ségolène Royal, avait alors presque réussi à se qualifier pour le second tour. Mais la situation pourrait-elle se rééditer en 2012? C’est très peu probable car Nicolas Sarkozy, qui est revenu sur bon nombre de ses réformes en fin de mandat, fait moins peur, tandis que François Hollande donne l’impression, pour le moment, d’avoir la stature d’un chef d’État. D’autant qu’il semble capable de ratisser large, notamment au centre. L’espace politique de François Bayrou s’est donc particulièrement restreint et actuellement je ne le vois pas rééditer son score de 2007. Faire 10% serait déjà un score très honorable.
Le défi de François Hollande : Se défaire de l’image du « dépensier irresponsable »
De son côté, François Hollande commence à baisser. La phrase aventureuse de ce dernier, comme quoi il compte embaucher 60 000 professeurs sitôt élu le met à mal alors que la France est attaquée sur les marchés financiers en raison de sa dette. La droite a beau jeu de souligner que l’application d’une telle promesse, par les coûts qu’elle engendrerait, pourrait avoir pour conséquence une dégradation de la côte de crédit de la France. Et en ce moment, on ne parle plus que du fameux triple A (AAA) de la France, très menacé par les agences de notation (celles qui décernaient des AAA aux subprimes). C’est dire l’importance de donner l’image d’un candidat « chasseur de déficits » et non celui de dépensier irresponsable.
François Hollande est donc parti pour traîner cette promesse comme un boulet pendant toute la campagne. Il aura bien sur beau jeu de rappeler les cadeaux que Nicolas Sarkozy a réalisé au début de son mandat (paquet fiscal de 15 milliards, réduction de la taxe à la consommation pour les restaurateurs pour un montant de 3,5 milliards, etc.), d’avancer des projets de financement de ladite réforme en faisant des compressions ailleurs, il n’en reste pas moins qu’il porte désormais une image de « dépensier irresponsable » dont il lui sera très difficile de se défaire. Il s’agit ici clairement de l’un des enjeux majeurs de la campagne, en tout cas à l’heure actuelle. En fait, cette sortie condamne désormais le candidat socialiste à se montrer plus rigoureux sur la question des finances publiques qu’il n’aurait aimé l’être. Ce qui risque de lui nuire à long terme.
Nicolas Sarkozy : De « l’omni-président » à la sobriété pour l’emporter?
Si François Hollande fait face à un défi majeur, l’autre enjeu principal a trait à Nicolas Sarkozy. Celui-ci a totalement modifié sa stratégie. Il y a peu, on parlait encore de lui comme de « l’hyper-président » ou « omni-président ». Il ne cessait de communiquer sur tout et à longueur de journée, il était le « président bling bling » (en rapport avec son goût pour les produits de luxe, notamment les montres, et son besoin de les montrer). Aujourd’hui, tout cela est terminé.
Le président se fait discret et laisse ses lieutenants aller au front à sa place (ministres et porte-parole de l’UMP). Cette sobre stratégie semble fonctionner puisqu’il remonte dans les sondages. En ajoutant à la recette la naissance de sa fille et en revêtant le costume de sauveur de l’Europe face à la crise financière (alors qu’il appelait publiquement les français à s’endetter quelques mois avant le déclenchement de la crise!), il est en train de renaître. Et ce président, que même ses plus proches collaborateurs décrivaient comme quasiment fini il y a encore peu (Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, se voit d’ailleurs comme sauveur de la droite au cas où…), profite de cette nouvelle stratégie pour se refaire une santé.
Les affaires juges de paix?
Cette remontée est-elle passagère ou s’inscrit-elle au contraire dans la durée? La campagne est encore longue et bien des évènements vont encore survenir. On pense notamment à toutes les affaires qui touchent l’entourage du président, avec notamment ces histoires de mallettes d’argent liquide distribuées par des dictateurs africains pour assurer le financement des campagnes électorales (à droite comme à gauche d’ailleurs) ou encore les suites de l’affaire Bettencourt. Bref, il va encore se passer beaucoup de choses. En vrai bête politique, Sarkozy, l’inventeur du « travailler plus pour gagner plus » (slogan qui l’a fait élire), remontera vraisemblablement très fort.
S’il est encore trop tôt pour déterminer un favori, observer l’application de toutes ces stratégies pour prendre ou conserver le pouvoir ne manque pas de piquant.