Il se passe énormément de choses dans le monde. Pourtant, une polémique d’importance fait rage dans la blogosphère québécoise : des « célébrités » remettraient en question la pertinence des blogues. Ciel!

Ma première question est cependant : comment se peut-il que, dans un contexte où tout le monde s’enthousiasme dès que l’on parle de « web 2.0 », une telle réaction aux « nouveaux médias » puisse poindre le bout de son nez? Chaque fois que je tente de relativiser l’impact réel des blogues et des médias sociaux (cf. mes billets précédents), je sens que je ne me fais pas que des amis… Pourtant, madame Ducas,  la rédactrice en chef de Infopresse, rapporte les propos de gens se montrant particulièrement critiques à l’égard des blogues. Encore qu’il faut aussi nuancer : ce sont avant tout les blogues des journalistes qui sont critiqués et non les blogueurs « amateurs ».

Il est vrai que les blogues des journalistes sont d’une qualité douteuse. Très souvent, ils ne comportent que quelques lignes avec une vidéo ou un lien. Ainsi, comme le dit madame Ducasse, le billet de Nathalie Collard, dans son blogue sur Cyberpresse, se passe de commentaires. En fait, la tenue de blogues par des journalistes est tout simplement une mode car ceux-ci (c0mme les hommes politiques et bien d’autres) se doivent actuellement d’avoir un blogue. En effet, ne pas avoir de blogue, c’est donner l’impression d’être vieux jeux, de ne pas être de son temps. Mais comme toute mode, cela leur passera. Tout comme il leur est passé l’idée de mettre leur courriel sous la signature de leurs articles (cela fit terriblement fureur au début des années 2000 quand les journalistes découvraient Internet et le courriel!).

Le problème des commentaires n’en reste pas moins délicat. D’excellents commentaires cotoient des remarques de gens qui auraient peut-être mieux fait de s’abstenir. Les journalistes doivent alors modérer. Mais comment faire? J’ai parfois suivi d’assez près ces tentatives de modération et souvent elles frustrent énormément les lecteurs. Car quelqu’un qui s’oppose à la pensée du journaliste ou qui réussit à montrer les erreurs ou approximations de l’auteur s’expose à son courroux et donc autant, sinon plus, à la modération (les mauvais esprits parlent de censure, tout de suite les grands mots!) que des personnes qui insultent à tout va.

Madame Ducas cite notamment madame Bissonnette, directrice de la Grande bibliothèque de Montréal et ex-directrice du Devoir et Malcolm Gladwell, un conférencier vedette. Madame Bissonnette trouve que les commentaires des blogues ne servent à rien, sinon à « placoter ». Et c’est généralement vrai. Mais il existe de notables exceptions. Certains commentaires sont d’une remarquable pertinence et rien que pour ça, les blogues ont leur place. En fait, je me demande parfois pourquoi il n’est pas possible de commenter toutes les nouvelles mises en ligne. Car il y a souvent beaucoup à dire! Et l’on constate alors le « décalage » entre le discours officiel et l’opinion publique.

Il y a peu, la salle de nouvelle de TQS disparaissait, et malgré le niveau disons « peu élevé » de l’information véhiculée, tous les journalistes, sans exception (s’il y en a dîtes le moi!) ont regretté la disparition d’une « source d’information ». Je trouve peu banal qu’aujourd’hui une ancienne journaliste se plaigne d’un trop grand nombre de sources d’informations, en dépit des dérives que j’ai précédemment décrites! Car aujourd’hui les blogues sont devenus un instrument de la vie démocratique. Même si dans le même temps,  je persiste à dire que leur impact, ainsi que celui des médias sociaux, est limité (ce qui devrait rassurer madame Bissonnette).

De son côté, monsieur Gladwell me laisse quasiment sans voix : dîtes à madame Ducas que vous n’avez ni téléphone 3G ni blogue  et il y a peu de chance qu’elle trouve vos idées formidables (tout comme 99,99% des gens travaillant en communications et en marketing). Mais si vous vous appelez monsieur Gladwell, voilà qui frise le génie! Et oui : on peut faire autre chose que d’être sans cesse coller à son blackberry ou de « twitter »! Mais il faut être une vedette pour pouvoir le dire… Car dans le milieu des communications, développer des blogues et des médias sociaux est devenu une vraie « business » et il n’est pas question de laisser quelques joueurs venir refroidir l’ambiance alors que nombre d’agences se lancent dans ce créneau.

Mais au fait, pourquoi y-a-t-il autant de blogues? D’ailleurs, pourquoi celui-ci? Uniquement pour « placoter »? Il y a bien sur ce phénomène de mode dont je parlais plus haut. Mais non, la vraie raison a un nom. Elle s’appelle Google. Pourquoi? Tout simplement car tout le monde connaît les méthodes de référencement utilisées par ce moteur de recherche. Celui-ci a dorénavant un moteur qui retrace les pages quasiment instantanément. Et il trie les sites Internet en fonction de la « chair fraîche » qui s’y trouve. En d’autres mots, plus vous mettez fréquemment du contenu et plus votre site « court la chance » d’être classé parmi ses premiers résultats de recherche. Le blog est un moyen très pratique pour ajouter du contenu à moindre frais. Et voilà comment toutes les petites et moyennes structures, comme celle de votre humble serviteur, se dotent de blogues. Tout simplement pour « exister » dans Google.

Bien sur, personne ne l’avouera. D’autant que l’on espère toujours se faire remarquer grâce à nos idées brillantes et on se voit déjà recommandé par les blogueurs les plus « influents », comme Michelle Blanc, « la Papesse de la communauté Web du Québec« . Votre blogue est évidemment une importante « source d’information » et sa disparition serait fort préjudiciable. Imaginez si celui-ci venait à disparaître…


Christian Leray

Christian Leray est le président de Prisme Média, une société spécialisée en analyse de presse. Il profite d'une expérience d'une dizaine d'années dans le domaine de l'analyse du contenu des médias. Il a notamment dirigé le Laboratoire d'analyse de presse Caisse Chartier de l'UQAM et a publié en 2008 un ouvrage aux Presses de l'université du Québec: L'analyse de contenu, de la théorie à la pratique.