Les sondages sont essentiels pour les organisations. Ils leur permettent de mesurer l’opinion publique, de prendre la température à moment donné. Autant dire qu’il est impossible de faire sans. Cependant, les sondages souffrent de deux grands défauts.

Le premier, et non des moindres, est le coût, qui est extrêmement élevé. D’après l’institut Ipsos, « le coût d’une question fermée dans un sondage réalisé auprès d’un millier de personnes représentatives de la population […] est d’environ 1000€ HT » (http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/cnl_static_content.asp?rubId=35#09). Imaginez le tarif si vous avez plus de vingt questions et que vous faîtes réaliser des études tout au long de l’année, afin de pouvoir analyser l’évolution de l’opinion!

Deuxième problème : l’analyse. Les sondages permettent d’obtenir des tableaux de résultats, mais il est difficile de les expliquer. Par exemple, le premier ministre perd trois points tandis que le chef de l’opposition en gagne deux. Comment l’expliquer? Le sondage ne permet pas de le faire car il s’agit simplement d’une photographie. Résultat : les sondeurs avancent des explications mais sans aucune certitude de leur véracité. C’est ainsi que l’on voit parfois différents instituts réalisant des enquêtes similaires au même moment donner des explications totalement différentes.

Cependant, en dépit de leurs imperfections, personne ne peut se passer des sondages car ils rapportent des chiffres indispensables qui permettent de déterminer aux organisations si leurs actions sont bien perçues ou si au contraire leur image est écornée. Les instituts n’ont donc pas à craindre l’avenir.

Néanmoins, une fois arrivé ici, il est important de se demander comment se façonne l’opinion publique. Celle-ci est pour une large part la résultante du discours des médias. Il est donc essentiel d’étudier le discours de presse afin de s’assurer que l’organisation fait au moins l’objet d’une juste couverture. Si l’organisme fait preuve de dynamisme dans ses communications, analyser avec précision les retombées de presse devient même un enjeu majeur. Pourtant, force est de constater que l’analyse de presse est peu en vogue au sein des services de communication et/ou de marketing. Tous en effectuent, mais il ne s’agit pas d’une priorité. Les budgets s’en ressentent et les méthodes employées sont souvent questionnables. Ici on se contente d’analyses succinctes, qui consistent à lire quelques articles et à réaliser quelques synthèses. Là ont met au point un système de points selon la place ou la taille de l’article…

Il est fort dommage que les organisations ne développent pas davantage leurs méthodologies car une analyse de presse effectuée méticuleusement au moyen d’une méthode scientifique permettrait d’obtenir des résultats extrêmement intéressants, et pour beaucoup moins cher que les sondages (encore que tout dépend de votre fournisseur, qui peut vous charger un montant supérieur au coût réel de l’opération, tout en rendant un service de piètre qualité, d’où l’importance de faire une recherche approfondie avant d’externaliser ce service).

Je fais ici une comparaison entre le coût des sondages et celui de l’analyse de presse. Mais il ne faut pas pour autant opposer ces deux outils, qui au contraire, sont extrêmement complémentaires. Grâce à une analyse de presse pointue, il devient possible de comparer les résultats avec les sondages. L’image globale de l’organisation véhiculée par les médias versus l’opinion du public, évidemment. Mais plus encore en comparant les thèmes ou sujets majeurs. On obtient alors ce genre de graphique (il s’agit bien sur d’un cas fictif), qui permet de comprendre instantanément ce qui fonctionne et ne fonctionne pas :

Sondages

On obtient alors une foule d’informations qui permettent d’émettre des hypothèses quant au façonnement de l’opinion publique. Mais il est possible d’aller encore plus loin. En effet, grâce à des croisements avec d’autres catégories (par exemples les dossiers spécifiques, les médias, les intervenants, etc.), l’analyse de presse explique le pourquoi de l’orientation. Par exemple, vous saurez que les médias traitent favorablement des ressources humaines grâce à la mise en place d’un programme de soutien psychologique aux employés. Et vous en voyez instantanément les effets sur l’opinion publique. Une quasi-infinité d’observations de ce genre peuvent alors être réalisées, ce qui vous permet de cerner le façonnement de votre image.

Plus encore : vous pouvez comparer les résultats de l’analyse de presse et des sondages au message tel qu’émis par l’organisation. En analysant par exemple les communiqués de presse émis. Ou les discours et interventions des porte-parole dans les médias. Vous voyez alors comment votre message a cheminé, ce que les médias ont transmis ou non, et ce qu’ils ont modifié. Là encore il s’agit de données stratégiques fondamentales… Qui peuvent être obtenues à moindre coût!

Au final, quand on voit toutes les possibilités qu’offrent la combinaison de la réalisation d’analyses de presse et de sondages, on est en droit de se demander pourquoi l’analyse de presse reste le parent pauvre des communications marketing.


Christian Leray

Christian Leray est le président de Prisme Média, une société spécialisée en analyse de presse. Il profite d'une expérience d'une dizaine d'années dans le domaine de l'analyse du contenu des médias. Il a notamment dirigé le Laboratoire d'analyse de presse Caisse Chartier de l'UQAM et a publié en 2008 un ouvrage aux Presses de l'université du Québec: L'analyse de contenu, de la théorie à la pratique.