Intéressante discussion en ce moment sur la blogosphère québécoise à propos d’un sujet que j’ai déjà abordé : la relation entre les journalistes et les relationnistes. Depuis que Radio-Canada a diffusé la télé-série Mirador, ce sujet est revenu sur la glace et les relations publiques suscitent à nouveau l’intérêt des médias. Mais pour le pire semble-t-il puisque ceux-ci ne se privent pas de leur tomber dessus, comme le remarquait sur son blogue Aurélie Alaume, une blogueuse qui travaille aux communications du SAJE accompagnateur d’entrepreneurs.
Elle note que les journalistes dans un reportage de Radio-Canada, traitent les relationnistes de menteurs et d’incompétents. Ce dont elle se défend, tout comme les professionnels des relations publiques qui ont posté des commentaires à la suite de son billet. Il est alors très intéressant de mettre ces propos en perspective avec cet article de Guy Versaille, consultant chez Versailles Communication. Celui-ci rapporte les résultats d’un sondage (auquel il a participé) dans lequel il apparaît que 69% des relationnistes qui ont répondu estiment que les relationnistes mentent dans le cadre de leurs fonctions! Voilà qui est pour le moins gênant. Même si Guy Versaille a ensuite beau jeu de citer ce résultat : 80% des sondés affirment que selon eux, les journalistes mentent. Puis de constater qu’il est dommage que le même type de sondage ne soit pas effectué auprès des journalistes. On ne peut qu’acquiescer.
En effet, il est troublant de constater les différences de ton des journalistes lorsqu’ils écrivent pour leur employeur et lorsque ce n’est plus le cas. Il n’y a qu’à lire le magazine Trente pour s’en convaincre. Ainsi, des journalistes qui se déclarent tout à fait favorables à la concentration de la presse (pour ne prendre que cet exemple) se montrent très pessimistes sur ses conséquences sur la démocratie dans le Trente. Un sondage effectué auprès de journalistes par l’Observatoire du journalisme de l’Université McGill au début des années 2000 confirmait d’ailleurs leurs craintes alors que les médias ne cessaient de vanter les vertues du regroupement des journaux en puissants groupes de presse! Ainsi une écrasante majorité des journalistes interrogés estimaient que le propriétaire du média avait une influence essentielle quant au contenu de la publication! Pourtant, les journalistes ne cessent de nous assurer du contraire (voici un exemple).
Bref, il semble que tout le monde mente…
Bien sur, dire cela c’est réaliser une énorme généralisation. Il est certain que les membres des deux professions font de leur mieux en fonction des contraintes qu’ils subissent. Les journalistes ne sont pas indépendants, ils ont des patrons, qui doivent répondre au propriétaire. Idem pour les relationnistes, qui ont des comptes à rendre à leur direction ou à leurs clients. Bien que les deux professions aient des codes éthiques, il existe de nombreuses situations dans lesquelles même quelqu’un de sincère peut se retrouver à prendre des décisions limites. Encore que le concept de « décisions limites » est assez fluctuant, et quelque chose qui paraît tout à fait normal à un relationniste peut sembler inadmissible à un journaliste. Et vice-versa. Sans parler des quelques brebis galeuses qui risquent de causer un préjudice parfois irréparable à l’ensemble d’une profession. Mais des brebis galeuses, il y en partout.
Le seul problème en fait dans cette histoire (qui concerne finalement deux professions interdépendantes et qui se ressemblent plus qu’on ne pourrait le croire de prime abord puisque de nombreux journalistes deviennent relationnistes!), c’est que ce sont les journalistes qui tiennent le bout du bâton. Ils peuvent décider de faire passer le message qu’ils veulent. Et si une profession a mauvaise image à leurs yeux (mais cela peut être n’importe laquelle, les relationnistes sont loin d’être les seuls à se plaindre des journalistes), elle risque d’en subir les conséquences sans qu’il ne soit possible à certains de ses membres de répliquer.
Cependant, il s’agit là d’une lame à double tranchant pour les médias car à force de l’utiliser celle-ci est en train de se retourner contre eux. Ce qui explique le si faible taux de confiance de la population envers la presse et l’intérêt croissant porté par les citoyens aux blogues et autres moyens de communications qui permettent de s’affranchir de l’influence de plus en plus pesante des grands groupes de presse.
En fait, le fond du problème est que ni les journalistes, ni les relationnistes ne sont au service de la population. Ils sont avant tout au service de leur employeur, et cela, aucun code d’éthique ne pourra jamais rien y changer. La seule solution serait alors de créer de nouveaux médias sous la forme de coopératives. L’intérêt serait qu’enfin ce serait les citoyens qui deviendraient propriétaires des journaux qu’ils liraient. Ceux-ci seraient alors avant tout à leur service et pourraient se concentrer exclusivement sur leur mission fondamentale qui est de livrer une information de qualité, plutôt que de toujours penser à réaliser d’abord et avant tout des profits.
Mais alors, qu’attend-on?